le 20.04.2021 à 14h00 pour Challenges.fr Lecture 4 min
La consultation des Parisiens ne colle pas à la volonté depuis plusieurs années de la mairie de Paris d'abaisser le nombre de jours de location sur les plateformes pour la résidence principale.
C'est un avis citoyen dans une zone grise. Pas vraiment caché, certaines de ses propositions ont été évoquées au Conseil de Paris du 13 au 15 avril. Pas vraiment public non plus, il ne figure pas, au moment où nous publions, sur le site Internet de la mairie de Paris. Certaines des personnes auditionnées par les citoyens ne l'ont pas reçu. Et pour cause: l'avis de 26 citoyens sur la question de régulation des plateformes ne colle pas totalement à l'histoire qu'entend raconter la mairie de Paris sur la régulation des plateformes, et notamment Airbnb.
La présentation, et le voeu adopté au Conseil de Paris sur le sujet, ne correspondent pas totalement à la réalité. Certes l'avis citoyen entend bien "expérimenter des quotas de locations touristiques différents selon les quartiers" ou "réviser la réglementation parisienne, notamment sur la question du changement d'usage des locaux". Mais se limiter à cela confine presque à une mauvaise foi intellectuelle. Les deux chevaux de bataille de la mairie de Paris pour lutter contre la prolifération des plateformes comme Airbnb consistent depuis des années en l'adoption d'un numéro d'enregistrement pour chaque annonce, mesure désormais en place, et en l'abaissement de la limite de 120 jours pour la location des résidences principales.
Pas d'abaissement des 120 jours pour les Parisiens
Alors qu'elle entendait avant la pandémie de Covid-19 réaliser un référendum sur le sujet, Anne Hidalgo s'est donc contentée d'une consultation citoyenne en janvier et février dernier. Le but étant de prendre le pouls des Parisiens, et donc de légitimer les mesures à adopter. Même sans force juridique, la maire de Paris considérait au printemps 2020 que "ce référendum donnera de la force pour faire entendre l'avis des Parisiens."
Sauf que l'avis citoyen considère que "l'abaissement du nombre de jours autorisés pour la location des résidences principales n'est pas une solution-clé." Coup de théâtre pour l'opération de lutte contre les plateformes. Les citoyens poursuivent avec des mesures pragmatiques: "Il s'agit d'abord de faire respecter la règle des 120 jours existante. Par ailleurs ce niveau paraît cohérent avec la définition d'une résidence principale, qui induit 8 mois d'occupation pour l'année." En lien avec cette proposition, les citoyens entendent d'ailleurs centraliser les données de location à Paris pour savoir réellement si des résidences principales sont louées plus de 120 jours par an sur des plateformes différentes.
Des quotas à l'étude
"Il n'y a pas de remise en cause de la limite des 120 jours sur l'ensemble de Paris, constate Ian Brossat, l'adjoint au Logement de la mairie de Paris, en pointe sur le combat contre les plateformes. Cela pourrait être le cas néanmoins dans le Marais ou à Montmartre où nous pourrions mettre en place un système de quotas avec l'interdiction possible de nouveaux logements sur Airbnb. Tout cela se regarde."
"Ce qui se passe n'est pas anodin, suggère Aurélien Véron, conseiller Les Républicains de Paris. La mairie est obligée de s'aligner, après cet avis citoyen. Lors des dernières élections municipales, nous avons demandé d'augmenter le nombre d'agents de contrôle des appartements loués sur les plateformes. Aujourd'hui il y a 30 agents qui contrôlent un nombre de logements frauduleux que nous estimons à plus de 10.000. Et sans aucune data pour faire cela." Les Républicains plaidait pour 100 à 130 agents dédiés uniquement au contrôle. Le parti d'opposition ne croit pas à l'instauration de quotas. "Appliquons déjà la loi qui existe. Punissons les loueurs qui déconnent avant de vouloir peser sur une nouvelle loi."
"Faire perdurer cela, au-delà du Covid"
S'il se réjouit de la prise de position de l'avis citoyen contre l'abaissement des 120 jours, "une décision courageuse de la part des Parisiens", Charles Bloch qui représente un club de 400 hôtes Airbnb à Paris, se montre dubitatif sur l'instauration de quotas. "C'est bizarre comme proposition. Dans les logements, cela n'aurait aucun sens car je ne vois pas comment cela préserverait le logement des plateformes."
La mairie convient qu'avec la très forte réduction du tourisme à Paris, depuis un an, le problème des plateformes n'a plus un caractère urgent. "Nous vivons dans une ville quasi sans Airbnb avec la pandémie, note Ian Brossat. Nous avons une augmentation de l'offre locative et un début de baisse des prix à la location. La question est comment faire perdurer cela, au-delà du Covid." La mairie lorgne sur la loi 4D (pour décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification) qui doit être adoptée d'ici à l'été. Elle espère bénéficier d'un amendement afin de gagner de nouvelles compétences de régulations "pour adapter le nombre de jours par quartiers ou instaurer des quotas", glisse Ian Brossat. Pas exactement ce qui ressort de l'avis citoyen lancé par la mairie.